L’association « Savoir Livre », qui regroupe six des principaux éditeurs scolaires, a publié, il y a une semaine les résultats d’une grande enquête menée par l’institut TNS Sofres sur l’évolution de l’usage des manuels scolaires. Les résultats démontrent une utilisation de plus en plus répandue des manuels scolaires numériques, surtout dans le secondaire .
Afin d’aller plus loin dans l’analyse de l’évolution des usages dans les classes, nous sommes allés à la rencontre d’Isabelle Magnard, Présidente de l’association « Savoir Livre ».
Savoirs & Connaissances : Que retenez-vous tout particulièrement de l'enquête TNS Sofres dévoilée lundi 29 septembre ?
Isabelle Magnard : Le premier enseignement de l'enquête est la progression de l'utilisation des manuels numériques dans les pratiques de classe des enseignants.
Pour eux, les manuels numériques constituent, de leur propre aveu, un excellent moyen pour passer facilement à l'utilisation d'outils numériques en classe.
Au fond, les seuls facteurs limitant une diffusion plus rapide de ces usages sont des retards d'équipements (davantage au Primaire qu'au Secondaire) et surtout l'absence de crédits pour acquérir les ressources pédagogiques.
Ces questions d'équipements et de crédits pour des ressources impactent directement les usages individuels des élèves : très peu d'entre eux sont équipés de tablettes (2% !) ou d'ordinateurs individuels et seulement 7% d'entre eux disposent de leur propre accès à leur manuel numérique. Cette question des usages individuels est le prochain Everest à gravir !
Le deuxième enseignement de l'enquête est la fidélisation "numérique" des professeurs : l'essayer c'est l'adopter ! Lorsqu'un enseignant a pris en main un manuel numérique, il ne revient pas en arrière et il passe rapidement aux versions interactives et personnalisables (lorsque l'établissement dispose des crédits nécessaires).
Et les professeurs qui utilisent beaucoup les manuels numériques ont également plus souvent recours que les autres à d'autres ressources numériques pour enrichir leur pratique pédagogique : les usages de ressources libres et de ressources éditoriales ne sont pas antagonistes mais se complètent plutôt harmonieusement.
Le troisième enseignement de l'enquête réside dans les spécificités et les complémentarités d'usages qui s'établissent entre supports imprimés et numériques selon les disciplines, les niveaux et les intentions pédagogiques. Plus que jamais le livre a sa place dans l'école, et toute sa place, aux côtés des nouvelles ressources. Les qualités respectives du numérique et de l'imprimé se combinent de façon dynamique.
Il reste difficile de prévoir ce que seront les formes imprimées et numériques du manuel 3.0 et à quelle échéance ! Réussir l'intégration du numérique à l'école est un défi qui resingularise le métier d'éditeur scolaire de façon tout à fait passionnante en ce début de XXIe siècle.
Savoirs & Connaissances : Au-delà des recommandations formulées, quels serait votre message aux enseignants ?
Isabelle Magnard : Les éditeurs connaissent bien les enseignants : ce sont leurs auteurs bien sûr, mais aussi leur environnement quotidien. Ce sont des professionnels de la pédagogie, à l'écoute des besoins de leurs élèves avec le souci de les faire progresser.
En tant qu'éditrice mon but est de leur proposer des outils qui les aident au quotidien dans leur enseignement. Très concrètement, des ressources "éditorialisées", faites pour eux, pour leur faire gagner du temps, afin qu'ils puissent consacrer leurs efforts à leurs les élèves, à aider les plus faibles, à stimuler les plus forts et stimuler la curiosité et l'envie d'apprendre de tous.
J'aimerais que les enseignants se mobilisent avec nous pour exiger des équipements, une formation et des financements suffisants pour acquérir les manuels, papier et numériques, dont ils ont besoin.
Et qu'ils continuent d'affirmer leur liberté pédagogique, pour ne pas avoir à subir des politiques qui leur imposeraient tel ou tel type de ressources, ou pire, d'avoir à tout créer eux-mêmes alors qu'ils n'en ont pas le temps.
Savoirs & Connaissances : Comment l’association « Savoir Livre » travaille-t-elle à ces manuels numériques ?
Isabelle Magnard : Savoir Livre est une association créée en 1985 dont les 6 membres sont 6 maisons d'édition scolaire : l'association mène des études sur l'évolution des usages des ressources pédagogiques (historiquement le manuel imprimé et depuis les années 2000 sur les manuels numériques), est en interaction avec les milieux de la recherche sur les questions d'apprentissages, de sciences cognitives, de représentation de la société dans les manuels scolaires, et - par certains aspects - est une mémoire interprofessionnelle de l'édition scolaire et de ses évolutions.
Ce n'est donc pas l'association qui "travaille aux manuels numériques", mais leurs membres, ainsi que tous les autres éditeurs scolaires. Ce sont des entreprises privées, qui investissent leurs propres fonds et sont en concurrence aigüe.
Chaque maison possède son expérience, son économie, et sa propre stratégie en matière d'innovation. Cette concurrence garantit un niveau de qualité élevé ainsi qu'une intégration rapide des innovations pédagogiques dans les ressources de demain.
